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Pierre Soulages, matière et lumière : l'au-delà du noir 

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Photo :  © Musée Soulages / Ville de Rodez – CC BY-SA 3.0 ».

 

   
"Soulages, une autre lumière" : cette exposition présente 130 peintures sur papier dont 30 inédites au Musée du Luxembourg du peintre de l'Outre-noir, penseur du clair-obscur et de la pénombre.


Son nom signifierait Soleil agissant. Il nait un 24 décembre 1919. Son père meurt alors qu'il avait cinq ans. Il est élevé par sa mère et sa soeur,  toutes deux vêtues de noir.  Il se dégage des références culturelles.  Pour lui  le noir n'est pas triste, s'il invite à l'introspection. Le noir est "sa" couleur de prédilection, dense et profonde. C'est en noir qu'il épouse Colette, rencontrée en 1942 sur les bancs de l'école des Beaux-Arts de Montpellier.
 
Ni esquisse, ni dessin, oeuvres à part entière, les peintures sur papier ponctuent chaque année ses créations jusqu'en 2004, où il se consacrera aux productions de gigantesques peintures toutes noires, où la lumière se reflètent. Ce sont ces fameux Outre noirs. A ses débuts, il préfère le papier, acheté dans le commerce, aux toiles, plus contraignantes. Il s'y sent libre.

L'exposition présente décennie par décennie, de 1946 à 2004, ces jeux du sombre et du blanc. Elle évoque le choix de Soulages de se détourner de l'art figuratif - "je ne dépeins pas, je peins"." Je ne représente rien, je présente" dit-il. 
Il se tourne vers la matière concrète de la peinture pour y explorer ce qu'elle a de sensible et assouvir sa quête du clair obscur et de la lumière. Il y façonne des signes hiératiques, qu'il trace inlassablement, à la manière de l'homme néolitique dont il se sent proche. Il a découvert les statues-mehnir (30 000 av JC)au musée de Fenailles de Rodez. 

Il entaille la matière, la structure dans l'espace, ou la répand, en mettant en contraste le(s) sombre(s) du brou de noix - sa matière de prédilection - à la clarté d'un fond blanc de plus en plus intense au fur et à mesure que la matière obscure se répand sur la toile. 

Dans cette recherche du contraste, le blanc devient clarté, puis lumière, émergeant de la matière.

C'est le brou de noix qui l'inspire : teinture, peu chère, utilisée par des ébénistes depuis le Moyen-Âge et ses multiples nuances de brun. "Il m'a rassemblé". Son père, réparateur de carioles pour chevaux, l'aurait utilisé. La maison familiale est située dans une rue d'artisans à Rodez : ferronier, ébéniste, tisserand, etc...Il en empruntera leur matière et   outils. Il se détourne autant de l'enseignement classique tel que divulgué dans l'Ecole des Beaux Arts de Paris, que des mediums : petits tubes de peinture de couleur, et pinceaux carrés. Il est convaincu que le médium influe la production artistique. Il se tourne vers les boutiques des peintre en bâtiments , brosses, raclures, spatules.

Ni le mouvement, ni le geste traduisant l'affect de l'artiste ne l'intéressent. L'abstraction lyrique de Pollock n'est pas son chemin. La matière doit être travaillée pour créer une oeuvre en soi une présence atemporelle.


En janvier 1979 alors qu'il est face à une toile où le Noir a tout envahi, il se sent dans une impasse.
Il
 quitte son atelier pour aller dormir. A son retour, il remarque de la lumière se reflétant sur la matière noire. C'est l'aboutissement de sa quête du clair-obscur. Dès lors, la lumière est à la fois son matériau et son outil. Il fait jouer la lumière sur la matière noire avec des reflets changeant selon la densité de la matière, la structure, le rythme, la position du public ou la localisation d'un tableau aux formats gigantesques. Le noir devient medium de la lumière.


 "Le Noir est la couleur des origines. Ne dit-on pas voir le jour ?"  dit-il. C'est dans l'au-delà du noir, qu'il trouve  un dialogue entre  surface, la peinture, et le champs mental du peintre, pour atteindre la poésie de la marière. L'art se situe ici, au delà poétique de la matière, dans ce lieu indicible, sacré cet ommun à tou.te.s.


En 2004, il abandonne le support fragile  du papier : l'Outrenoir et ses densités de matière obligent l'utilisation de toiles solides. Il meurt en 2022, âgé de 102 ans. Sa femme, Colette, 104 ans, s'est impliquée dans l'organisation de  l'exposition.



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